Hypersensibles et introvertis : et si notre discrétion était une force ?

🦥En bref : ce que vous allez découvrir ici

1. Hypersensibles et introvertis : un lien évident : Même s’il y a des exception, beaucoup d’hypersensibles, environ 70 % selon Elaine Aron, sont également introvertis. C’est pour cela que l’on a si souvent besoin de calme pour se reposer de nos émotions intenses et la surcharge sensorielle. C’est pour cela que la solitude est précieuse pour retrouver notre énergie. C’est un moyen de se recentrer et de se reconnecter à soi.
2. Introversion ou timidité ? La timidité, c’est cette peur du regard des autres, cette impression d’être jugé ou mal compris, et qui peut paralyser. L’introversion, c’est davantage un besoin de se reconnecter à un certain calme intérieur. Les deux peuvent aller ensemble, sont même parfois confondus. Alors que l’introversion c’est seulement une façon différente d’appréhender le monde et les autres, davantage en discrétion.
3. Quand la société valorise ceux qui parlent fort : On évolue dans une société qui valorise l’extraversion. On voit d’abord ceux qui parlent en premier. Certains parlent fort, occupent l’espace, dégagent de l’assurance et de la compétence (réelle ou non). Pourtant, les introvertis ont des qualités réelles : ce calme et une certaine forme de stabilité pose un cadre rassurant, là où d’autres semblent imprévisibles. Plutôt que d’opposer extravertis et introvertis, on peut les voir aussi comme tout à fait complémentaires.
4. Se comparer n’a pas de sens : Se comparer à un extraverti n’a aucun sens. Nous fonctionnons de façon opposée à la leur, les contacts sociaux les aident à retrouver leur énergie alors que nous c’est la solitude et la compagnie de certains semblables qui nous rechargent. Ce n’est pas tant le fait de se comparer qui pose souci, mais le fait que l’on se trouvera toujours moins sûr de nous, moins assuré qu’un extraverti. Ce qui pose souci c’est de se dénigrer, et de ne pas voir que nos différences nous enrichissent.
5. L’introversion n’empêche pas de s’affirmer : Ce n’est finalement pas l’introversion en elle-même qui pose problème, mais davantage la timidité excessive et la peur de s’affirmer. Beaucoup d’entre nous ont longtemps confondu discrétion et effacement. Pourtant, être introverti n’empêche pas d’aller vers les autres, de s’exprimer ou de poser ses limites. Dire non aux autres, c’est parfois se dire oui à soi-même. Et c’est ainsi que petit à petit on reprend confiance en soi.
6. Trouver sa place, à sa manière : En apprenant à mieux se connaître, on découvre que notre sensibilité et notre introversion ne sont pas des freins, mais des repères. Comme on se connait de mieux en mieux, on renonce à ce qui ne nous convient pas et on fait des choix plus alignés avec ce que l’on est vraiment, sans chercher à correspondre à ce qu’attendent nos proches ou la société. De toute façon on ne vit pas la vie des autres, mais la sienne.

Hypersensibilité et introversion

> Les hypersensibles sont plus souvent introvertis

Elaine Aron, la chercheuse qui a popularisé la notion de Highly Sensitive Person (que l’on nomme en français hypersensible), affirme dans son ouvrage « Psychotherapy and the Highly Sensitive Person » (2010), qu’environ 70 % des personnes hypersensibles (HSP) sont introverties.

Néanmoins ce chiffre est sans doute à nuancer, car il provient principalement des travaux cliniques et synthèses d’Elaine Aron, et d’observations et d’enquêtes liées à son échelle HSP. Ce n’est pas d’une grande étude épidémiologique publique récente qui donnerait une proportion « officielle » et universelle.

Des études plus récentes (2024). Frontiers in Psychology, montrent bien une corrélation entre sensibilité élevée et tendance à l’introversion, mais les pourcentages exacts peuvent varier selon les échantillons et les définitions.

Alors 70 % ou non, on a envie de dire que finalement peu importe, ce qui est sûr c’est qu’il y a un lien indéniable entre les deux. Ce qui est sûr également, c’est que certains hypersensibles, sans doute moins nombreux, sont également extravertis ou ambivertis (lorsqu’une personne se situe entre introversion et extraversion).

Ce dont on va parler dans cet article, ce n’est donc pas d’une vérité générale, mais d’un phénomène qui touche beaucoup d’hypersensibles. Et cette introversion n’est évidemment pas à confondre avec de la timidité.

> La différence entre timidité et introversion

La timidité c’est une espèce de repli sur soi, c’est le fait de vivre une certaine « peur du regard des autres ». D’ailleurs les personnes timides connaissent bien ce sentiment d’insécurité qu’elles peuvent ressentir au contact d’autres personnes.

L’introversion c’est davantage un besoin de goûter à un certain calme intérieur, ce besoin de se ressourcer dans le calme et la tranquillité. Pour une personne introvertie, ces moments de calme et de repos, ces moments même où l’on fait les choses que l’on aime sont comme des refuges.

Parfois il arrive qu’une personne introvertie puisse également souffrir de timidité, les deux peuvent aller ensemble, mais c’est pas systématique pour autant.

En tout cas, ce sont ces besoins spécifiques qu’ont les personnalités introverties, qui créent un immense décalage avec des extravertis, ce dont on reparlera davantage dans le prochain chapitre. La chanson de Francis Cabrel « Quelqu’un de l’intérieur », parle justement de ces différences du point de vue d’un introverti et décrit à merveille ce décalage.

« Je les regarde qui dansent, et qui parlent et qui parlent, et qui disent plus que ce qu’ils pensent. Qui se séduisent à coup de phrases de rien du tout, qui parlent tellement, qu’ils trouvent que je parle pas beaucoup. Alors ils croient que je suis triste. »

Francis Cabrel – Quelqu’un de l’intérieur

Et c’est encore davantage le cas pour des personnes hypersensibles, qui vivent à la fois de l’intensité émotionnelle mais aussi parfois de la surcharge sensorielle, au niveau d’un ou plusieurs sens. Pour elles, ce besoin de repos est totalement indispensable. Et si en plus on est introverti, on puisera notre énergie dans le fait de se retrouver seul.

Sur ce plan-là on sera donc l’exact opposé de personnes extraverties, qui eux retrouveront leur énergie grâce aux contacts sociaux. Ce sont les relations avec les autres qui viennent recharger leurs batteries, alors que cela vide les nôtres.

Et c’est pour cela que nos besoins de calme et nos différences de fonctionnement, seront difficilement compréhensibles de leur point de vue.

Et c’est d’ailleurs peut-être la même chose du point de vue des introvertis, et c’est parce que nos réalités sont si diamétralement opposées que cela crée forcément de la distance et l’incompréhension.

Quand la société valorise l’extraversion

> On voit d’abord ceux qui parlent fort

On évolue dans des sociétés où l’extraversion est clairement valorisée socialement. Et il est vrai que le fait d’avoir une certaine aisance orale et relationnelle, augmente fortement les perspectives d’évolution professionnelle, comparativement à des personnalités davantage timides.

C’est cette aisance qui confère aux yeux des autres un certain « leadership », cette qualité souvent demandée pour accéder à des fonctions d’encadrement ou de direction. C’est parce qu’ils dégagent une assurance à toute épreuve, qu’ils accèdent plus naturellement à ces fonctions là.

Certains même pourraient être exposé à l’effet de surconfiance également appelé effet de Duning-Kruger, c’est cet effet selon lequel ce sont les personnes les moins qualifiées d’un groupe qui auront tendance à surestimer leur compétence dans un domaine.

C’est à cause de cet effet, que beaucoup de personnes jugées « incompétentes » par les autres, accèdent pourtant à des fonctions importantes et stratégiques.

Bien-entendu il y a beaucoup de personnes extraverties qui sont tout à fait compétentes. Mais étant donné que les personnes extraverties sont souvent les premiers à parler, et même parfois les seuls à le faire. Ils retiennent donc l’attention et peuvent donner cette impression de compétence, qu’elle soit réelle ou un peu surestimée.

Et à l’inverse dans les environnements de travail ou même dans le milieu scolaire, l’introversion est parfois perçue à tort comme un manque de dynamisme. Parce qu’elle est souvent confondue avec la timidité, l’introversion est souvent perçue comme quelque chose de négatif et d’handicapant.

Pourtant les introvertis ont en eux les qualités qui leur permettraient de prendre davantage la lumière.

> De l’ombre, surgit la lumière

C’est clair, les personnes introverties prennent moins la lumière que les autres, c’est comme ça, ce n’est pas dans leur tempérament. Et comme l’énergie sociale d’une personne introvertie est limitée, elle aura tendance à choisir ses moments.

Mais une personne introvertie qui est suffisamment sûre d’elle et de ces capacités, qui connait bien ces besoins et les écoute, peut tout à fait être perçu comme un repère sécurisant. Le calme et la pondération d’un introverti peuvent même être comme un repère de stabilité face l’imprévisibilité de personnalités plus « fortes ».

On le comprend, c’est donc notre discrétion qui devient finalement notre force, celle qui inspire confiance en nous et aux autres. C’est pour cela que se comparer aux autres, n’a pas de sens.

> Le piège de la comparaison

Parce qu’on est très différents d’eux, se comparer à quelqu’un d’extraverti n’a absolument aucun sens. Parce que la comparaison ne peut pas se faire sur des bases objectives, et qu’on se trouvera toujours moins à l’aise avec les autres que quelqu’un d’extraverti.

On trouvera toujours que l’on a moins d’assurance que les autres, dès lors se comparer à eux revient à se dénigrer.

Finalement plutôt que d’opposer introverti et extraverti, le mieux c’est de reconnaitre nos différences. Mieux, on peut les voir comme complémentaires, comme de l’eau qui viendrait tempérer du feu, et qui s’en retrouverait réchauffée.

On est différent c’est vrai et c’est pas plus grave que ça, parce que tous les introvertis ne sont pas les mêmes non plus. Parce que c’est loin d’être le seul trait de caractère qui définit une personnalité.

Après on n’a pas tous le même vécu, certain(e)s d’entre nous sont plus réticent(e)s et résistant(e)s au changement, que d’autres. Certaines personnes auront également tendance à se disperser dans différentes directions, tandis que certaines restent concentrés sur une idée fixe et sur un objectif.

C’est bien pour cela que c’est pas forcément les comparaisons en elles-même qui posent problème, mais plutôt ce qu’on en fait. Et c’est quand on ne les voit plus nos différences comme des problèmes, qu’on se met à considérer qu’elles peuvent nous enrichir.

La timidité : quand la peur prend le dessus

En réalité l’aspect qui gêne beaucoup de personnes introverties, c’est le manque de confiance en soi. C’est finalement pas l’introversion en elle-même qui pose souci, mais c’est davantage un problème de timidité, et souvent une difficulté à s’affirmer vis-à-vis des autres.

C’est le problème que rencontre les personnes qui souffrent d’une timidité excessive, voire maladive. C’est cette peur qui vient empêcher, limiter, freiner toute expression de soi.

Je suis un ex-timide, et la pratique de certaines activités comme le théâtre m’a considérablement aidé. J’ai également fait un véritable travail sur moi, pour reprendre confiance en moi et essayer d’aller vers les autres.

Même s’il peut m’arriver de l’être encore parfois, cette timidité n’est plus handicapante comme elle pouvait l’être.

La timidité ce n’est pas un fardeau que l’on est condamné à porter toute sa vie. Et même si le chemin pour en sortir est souvent long et semé d’embûches, il est possible de la laisser derrière soi.

Alors bien-sûr on restera des personnes introverties, et c’est ok. Mais l’introversion ce n’est pas la peur, elle n’empêche pas de s’affirmer. Elle n’empêche pas de dire non aux autres, si cela permet de nous dire oui à nous-même.

Et au fur et à mesure que l’on parvient à être moins timide, on se rend compte que notre introversion ne nous empêche absolument pas d’être sociable.

C’est personnellement ce qui m’a frappé dans mon parcours, je me suis rendu compte que j’étais bien plus sociable que ce que je pensais. Pas comme un extraverti bien entendu, mais être introverti n’empêche absolument pas d’aller vers les autres.

C’est pour cela qu’entamer ce chemin pour retrouver une certaine estime de soi, quitte à se faire aider par un professionnel si on en ressent le besoin, n’est jamais une perte de temps. C’est en quelque sorte reconnaitre que l’on a des besoins et commencer à s’accorder de la valeur.

Mieux se connaitre et s’aligner

Lorsqu’on est quelqu’un d’introverti, et qu’on découvre que l’on est une personne hypersensible, il est clair que notre vision sur nous-même change, et que cela constitue le début d’une prise de conscience plus profonde.

On comprend que l’on n’est pas moins bien que les autres, que notre fatigue s’explique par des sur-stimulations sensorielles et des émotions intenses.

On comprend que l’on n’est pas moins bien que des personnes qui donnent l’impression d’être très sûres d’elles, et très à l’aise avec les autres. Parce que lorsqu’on est introverti, c’est le calme, le fait d’être seul ou avec nos semblables qui va nous permettre de nous ressourcer vraiment.

Alors notre introversion et notre sensibilité, nous invitent à naturellement à une introspection. On va beaucoup observer les autres et nous-même, ressentir et essayer de comprendre notre fonctionnement et celui des autres.

Au fur et à mesure que l’on suit ce chemin pour mieux se connaître, on se rend de mieux en mieux compte de qui nous vide de notre énergie et nous épuise. Et à l’inverse on commence à mieux identifier nos besoins, en faisant l’expérience de certaines activités, certains lieux, certaines relations qui viennent naturellement nous nourrir.

On prend conscience au fur et à mesure que les personnes introverties ont des qualités, qui sont celles de l’intérieur. Parce que quand on est hypersensible, on est souvent des personnes créatives que ce soit dans le domaine artistique ou non.

Parce qu’on prend le temps d’observer ce qui se passe dans notre environnement, on remarquera les détails et les changements qui échapperaient à d’autres. Beaucoup de personnes hypersensibles introverties, sont également profondément empathiques, ce qui rend forcément les relations plus riches et profondes.

Et c’est finalement lorsqu’on est bien plus en paix avec qui on est, et qu’on y trouve même une formé d’épanouissement, que l’on peut commencer à faire à des choix qui nous correspondent davantage.

Trouver sa juste place

On finit par prendre conscience que l’on a de la valeur, et on va donc mettre fin à ce qui ne nous correspond pas. Ce qui laissera naturellement la place pour des choix plus alignés avec qui on est, que ce soit au niveau professionnel ou personnel.

On ne deviendra de toute façon pas quelqu’un d’autre, on ne sera pas extraverti, c’est pas le but ni une fin en soi. On devient soi-même et on ose l’être et s’assumer tel que l’on est.

En réalité c’est une évolution logique, qui part de soi et de qui on est. Et c’est parce qu’on se connait bien, que nos choix deviennes plus alignés avec qui on est.

On ne vit pas la vie des autres, mais la sienne et nos choix se font en fonction de nous.

Il faut même un certain courage pour faire des choix qui seraient mal vus par les autres, par certains de ses proches ou par la société. De faire des choix pour soi parce qu’ils nourrissent nos besoins, et pas pour ressembler à telle ou telle norme attendue.

C’est faire preuve d’un certain courage tranquille, celui d’introvertis qui avancent sans faire de bruit, et qui ne renoncent pas à s’épanouir.

Références scientifiques

• Aron, E. N. (2010). Psychotherapy and the Highly Sensitive Person: Improving Outcomes for That Minority of People Who Are the Majority of Clients. Routledge.
• The highly sensitive brain: An fMRI study of sensory processing sensitivity and response to others’ emotions. (2024). Frontiers in Psychology.
• Cain, S. (2012). Quiet: The Power of Introverts in a World That Can’t Stop Talking. Crown Publishing Group.