
Parfois, quand on se sent perdu(e), la première chose à se donner, c’est du temps. Surtout quand on n’en a pas ! Un petit plaidoyer pour parfois s’arrêter, respirer, se poser … plutôt que de foncer tête baissée dans des « solutions » qui ne résoudront rien.
Pourquoi ? Parce que nos pensées, nos émotions, se déploient dans le temps. Ce ne sont pas de simples informations immédiatement disponibles et corrigibles, mais des processus.
La surcharge mentale et/ou émotionnelle
Dans la vie courante, le temps c’est souvent ce qui nous manque, on a toujours un dernier truc à régler avant de pouvoir se poser, et finalement on a la tête comme une citrouille, si bien que le temps libre ne sert guère qu’à récupérer.
Parfois ça peut aussi être une défense, le fait d’être toujours occupé, on se donne le sentiment que « pourtant on fait tout ce qu’il faut », qu’on ne pourrait pas en faire plus (car vouloir résoudre le problème, ce serait forcément faire encore quelque chose en plus). Des personnes à qui je proposais un accompagnement m’ont déjà répondu : « Ah non, je ne peux pas, on verra ça quand j’irai mieux ! »
Dans une recherche de solutions immédiates, il arrive même qu’on insère des choses « bien-être » dans ce planning serré, et hop, un rendez-vous de plus chez l’énergéticien ou l’esthéticienne, une heure de yoga ou de jogging entre deux courses. Sauf que pendant ce temps, on ne réfléchit pas, on ne respire pas, on pense déjà à la tâche qui nous attend derrière ou à comment on va bien pouvoir s’y prendre pour rattraper le temps ainsi perdu. Oui, je l’affirme, même une séance de psy peut ne servir à rien, si on la survole en y croyant à moitié, avant de conclure que décidément rien n’y fait.
Parce que le problème, c’est bien la surcharge émotionnelle, mentale, ou aussi physique.
On se retrouve dans un état de stress permanent, on va peut-être développer des symptômes somatiques ou des comportements compulsifs qui vont nous alerter.
On n’est plus dans une situation problématique circonscrite, qui a une raison précise et limitée dans le temps, mais dans une accumulation, quelque chose qui nous échappe.
Or quand on sent qu’une situation ne peut pas durer, la seule manière de résoudre le problème, c’est d’expérimenter quelque chose de différent. Si je devais donner un « kit d’urgence » pour ces situations, ce serait celui-là. Même si on n’a pas d’autre idée dans l’immédiat, une première façon de couper à cette situation, c’est d’appuyer sur « pause ». Comme nos amis les ânes, qui s’arrêtent au milieu de la route tant qu’ils n’ont pas compris où on veut en venir.
Un temps pour soi
Une première bienveillance à s’accorder, c’est d’inscrire dans son agenda un rendez-vous avec soi-même. Pas une heure, plutôt une demi-journée, pendant laquelle vous serez assuré(e) de ne pas être dérangé(e).
(Et si possible, prévoir déjà la fois suivante, même si ce n’est pas tout de suite, juste pour avoir en tête qu’il va y avoir une prochaine fois.)
Un temps pendant lequel vous ne ferez peut-être rien de productif, mais qui est indispensable pour que vos émotions emmagasinées puissent prendre toute la place qui leur revient, et se réguler. Car si elles ne sont pas sûres d’avoir l’espace nécessaire, elles ne le feront pas.
On met du temps à processer les émotions et c’est bien naturel. Chaque émotion que vous étouffez au quotidien parce que ce n’est (légitimement) pas le moment, reste dans le réservoir et demandera à être traitée à un moment ou à un autre. Il est bien évident que vous n’allez pas éclater en larmes pendant la réunion avec vos responsables, mais votre tristesse aura probablement besoin d’un autre moment, si possible pas trop éloigné, pour sortir.
Et comme nos émotions nous accompagneront toute notre vie, leur gestion ne peut pas se faire une fois pour toutes. L’idéal, c’est de s’en occuper au fur et à mesure plutôt que de les emmagasiner jusqu’au débordement suivant. D’avoir le temps de processer une situation avant de passer à la suivante.
Personnellement, je prends systématiquement un temps de prise de notes entre deux entretiens. Si je ne le fais pas, j’ai constaté que les entretiens se contaminent entre eux : c’est incroyable, il arrive que les deux personnes me disent la même chose ! Je dois à chacun(e) d’être mentalement disponible, non seulement pour moi, mais aussi pour faire un travail de qualité.
Il peut y avoir des procédés « mécaniques » qui font du bien dans l’instant : c’est déjà précieux si vous en avez identifié, vous avez raison d’en profiter ! Toutefois, quelle que soit la pratique, il est nécessaire de pratiquer régulièrement pour que le bénéfice perdure. Ca vous fait du bien ? Faites-le toutes les semaines, ou si c’est rapide, tous les jours !
Le propre de la pensée est de se dérouler dans le temps. Elle se déploie, elle évolue, elle s’enrichit en l’exprimant. Il n’est pas possible de la modifier instantanément par un simple effort de volonté ou par un quelconque procédé savant : et heureusement, car ce serait la porte ouverte à la manipulation ! Pour que le psychisme comprenne que quelque chose lui fait du bien, qu’il peut compter dessus, il faut que cela se répète dans le temps.
Accéder à ses émotions
Nos émotions sont là pour nous dire quelque chose. On a souvent l’impression que c’est une évidence, mais d’une personne à l’autre, le spectre des émotions possibles est très large et aucune n’est plus correcte ou obligatoire qu’une autre (et même si c’est une évidence, en quoi serait-ce moins important ?). Circonscrire ce dont on parle, a toujours un effet apaisant. Et quand on est en souffrance, ça peut déjà être un travail en soi d’y arriver.
La première étape est donc d’ouvrir la porte à ses émotions, sans autre but que celui-là, et en se laissant tout le temps nécessaire, même si ça ne vient pas immédiatement. Parfois ça vient tout seul, ça s’impose même à nous.
Chez moi, ça vient souvent les jours de repos, et parfois quand c’est plus urgent, à 4 heures du matin. Quand les pensées envahissantes m’empêchent de me rendormir, je prends le temps de les écrire, au moins en quelques mots, pour me les « sortir de la tête ». Quitte à reprendre mes notes plus tard et en faire autre chose.
Parfois, il faut donner un coup de pouce à son propre psychisme pour lui faire comprendre qu’il peut s’exprimer. Prévoyez ce temps régulier, même s’il ne produit pas de « résultat » immédiat.
Quand on se sent perdu, tenir un journal régulier peut être un bon début. (Et quand on n’aime pas écrire, on peut aussi utiliser un autre mode d’expression, comme le journal créatif.) Si vous aimez la musique, peut-être allez-vous choisir chaque jour une chanson qui correspond à votre humeur ! Explorez, amusez-vous, et si une technique ne vous convient pas, essayez-en une autre …
Des émotions, des idées, des pensées sortent ? Parfait, c’était le but ! Alors évidemment, il est possible que ce soient des émotions négatives, que vous repensiez à des situations qui vous ont fait vous sentir en difficulté. Laissez-les sortir, écrivez-les, dessinez-les, chantez-les, peu importe ! Et observez ce qui se passe en vous.
L’idée n’étant pas forcément de trouver instantanément le « truc » et d’apporter une réponse (si c’était si facile, vous ne seriez pas en souffrance). Mais de pouvoir déjà, sur un temps, observer comment elles évoluent, prendre conscience qu’elles ne sont pas figées dans le temps et de ce qui les influence, en positif ou en négatif.
Peut-être que cela va déjà vous faire du bien et vous suffire, et dans ce cas, c’est chouette ! Mais peut-être aussi que des idées vont germer au fil du temps. Quel thème revient souvent dans le journal ? Quel problème doit vraiment être résolu ? Qu’est-ce qui me plaît vraiment, de quoi j’ai envie de mettre plus dans ma vie ?
Et pour aller plus loin …
Car à un moment, si votre psychisme a compris que vous l’écoutiez, il va certainement vous dire plus de choses ! Bravo, ça indique que vous avez retrouvé un lien de confiance avec vous-même ! Alors la question va peut-être se poser de passer à la vitesse supérieure. Cette mise à plat c’est aussi ce qu’on fait dans la majorité des psychothérapies (et ça peut être aussi le moment de consulter si vous pensez qu’un accompagnement vous serait utile).
Ça revient un peu à s’appliquer à soi-même, la démarche OSBD dont vous parle souvent Gaëtan dans ses articles sur la communication !
Ce sentiment qui ressort, vous pouvez prendre le temps de le formuler, de le décrire. Comment je me sens exactement après avoir fait cet exercice ? Qu’est-ce que ça me fait quand je me relis ? Qu’est-ce qui me fait le plus réagir ?
A partir de là, vont logiquement émerger des besoins. De quoi j’ai davantage besoin dans ma vie, et comment je peux lui donner plus de place ? Qu’est-ce qui me pèse le plus ? Qu’est-ce qui a besoin de changer ?
Ou, même si strictement rien n’est possible, il nous reste : que puis-je faire à mon niveau personnel pour me rendre la situation plus supportable ? Parfois, « il va falloir que j’arrive à l’accepter », pour l’instant ou dans l’absolu, est aussi un premier pas vers une nouvelle direction.
Et enfin, arriver à définir de façon concrète ce qu’on peut faire. Quelles potentielles réponses existent à mon besoin ? Lesquelles pourraient me convenir, ou pas, ou sous quelles conditions ? A quelle échéance ? Que devrai-je peut-être donner ou accepter en retour, serait-ce imaginable pour moi ? Qui pourrait m’aider et comment ? Que pourrais-je expérimenter sans trop de risque ?
A ce moment-là, il sera temps de décider si vous souhaitez faire quelque chose ou pas, et de faire votre plan d’action. Peut-être aussi le simple fait d’y penser, d’en discuter autour de vous, de porter votre attention sur des ressources, va-t-il vous ouvrir des portes ! En tout cas, vous voilà revenu(e) aux commandes de votre propre navire. Bonne route !